- sad thoughts / ARTHUR

Début d’après-midi, les cours prennent fins, dehors le soleil montre enfin le bout de son nez après trois jours pluvieux. Malgré l'absence de nuage, il fait froid. Tu pestes sur toi-même de ne pas avoir pris tes gants ce matin. Tu te frottes vivement les mains l'une contre l'autre pour te réchauffer, du moins essayer. Tu observes autours de toi, tous ont repris leurs petites habitudes. Depuis que Sara est partie rejoindre les anges, tes parents ont peur. Ils angoissent de te laisser dans les rues de la ville seule. Alors ils ont pris l'habitude de t'emmener au lycée et de venir te cherche. Ça te saoule. Tu n'as plus dix ans, après tout. Alors aujourd'hui, ce sont les parents de ton amie qui vient te chercher, censément. Ce mensonge, un parmi tant d'autres, tes parents l'ignoreront.

A ce moment-là, tu n'as qu'une envie te rendre là où ton amie est partie. C'est bizarre mais, tu en as besoin. Sara te manque beaucoup. Tu quittes alors le lycée, direction Deep Creek River. Depuis le drame, rare sont les personnes à revenir se balader par ici. Tes parents t'ont interdits d'y revenir mais, toi tu en fais qu'à ta tête. Tu arrives près de la rivière, un frisson te parcours tout le corps. Le regard perdu vers l'autre côté de la rive, tu demandes qu'est-ce qu'il a bien pu se passer ? Pourquoi Sara ?

Deep Creek River est un coin de la ville plutôt calme, voir carrément vide depuis que la Sara Baker y a été retrouvé décédée. Ils se sont crus dans Esprits Criminels ? Le tueur, quel qu'il soit, ne va pas s'amuser à retaper au même endroit, faudrait vraiment être con. Ou alors ils croient tous aux fantômes et flippent de voir une ombre blanche sortir de la rivière... Enfin bon, dans tous les cas, moi ça m'arrange, ça fait moins de monde dans mon endroit fétiche. Deep Creek River, la frontière entre le Nord et le Sud, entre ma réelle demeure et ce qui me fait office d'abris depuis un an. J'suis un gars du Southside, je resterai toujours un gars du Southside, et ce n'est pas un déménagement qui va y changer quoi que ce soit.

Du coup, tous les jours je passe par ici, tous les jours je traverse le pont sur ma moto pour aller prendre des nouvelles de ce qu'il se passe de l'autre côté. Chaque jour depuis un an. Vous vous doutez bien que j'ai le temps d'observer tout ce qu'il s'y passe. Et ce soir, comme souvent, je m'arrête sur le bord de la route, quelques dizaines de mètres avant de passer de l'autre côté, dans le Southside et je regarde la rivière. Ma rivière. Et ce soir, comme souvent, elle est là. Posée là. Droite comme un piquet. Rigide. Immobile. Toujours à la même place. Il n'y a pas cinquante raisons possibles qui expliquent sa présence, je ne suis pas idiot... Pourquoi ce soir, je descends de ma moto et je vais à sa rencontre ? Disons que c'est parce qu'elle me cache la vue.

" Tu la feras pas revenir en regardant très fort la rivière, tu sais ? "

Spoiler:

Depuis la mort de Sara, tout est différent à Maplewood, la plupart des habitants se sont laissée envahir par la peur. Ils ne se sentent plus rassurés dans les rues cette ville qui encore, il y a quelques semaine était considéré comme un havre de paix. Le drame qu'a subit la famille Baker, a tout changé. Le tueur est peut-être à des kilomètre maintenant, comme il peut encore roder en ville. Après tout cela pourrait être un voisin, celui qui vous dit bonjour tous les matins ou même un membre de votre propre famille. Le doute. L'angoisse. Personne ne sait, aucun indice a encore été trouvé pour démasquer ce monstre.

Tes yeux figés sur la rive de l'autre côté de la rivière, tu te remémores les derniers instants que tu as partagé avec Sara. Tu essais de comprendre ce qui aurait pu amener cet individu à commettre ce crime. Tu essais de te rappeler si ton amie aurait dit quelques choses, un comportement qui pourrait te mettre la puce à l'oreille sur un mal aise. Non. Sara a toujours été une fille plein de joie de vivre, toujours un sourire dessiné sur son visage. A croire qu'elle n'a jamais eu de contrariété. Tu viens ici pratiquement tous les jours, pour te poser toujours ces même question. Des questions qui restent sans réponse mais, toi tu veux comprendre. Une voix vient te sortir de tes pensées. Est-il sérieux ? En te retournant pour te mettre face à lui, tu lui lance un regard le plus noir possible. Toi, tu n'es pas méchante mais, cette réflexion, tu l'as trouve carrément déplacée. Chacun a le droit d'estomper sa peine comme il a envie après tout. "Tu te prends pour qui au juste à débarquer de nul part avec ta réflexion à deux balles ?" Tu le connais, enfin pas plus que ça, tu sais juste qu'il fréquente le même lycée que toi. "Tu ne dois surement pas savoir ce que c'est de perdre quelqu'un !"

Mais c'est qu'elle est agressive la p'tite avec ses faux airs de hippie chic. Elle me fait l'effet d'une gosse de riche qui porte une veste en jean et un tee-shirt avec écrit "Bad Girl" pour se la jouer rebelle. J'en ai croisé tellement des filles comme elles dans le Northside. Elles passent leur temps à foutre verbalement sur la gueule de nos filles du Southside alors qu'elles rêvent de leur ressembler. C'est chiant les règles et les interdits, n'est-ce pas ? Je juge peut-être trop vite. Surement trop vite d'ailleurs. Je le sais et je m'en fous. Je n'ai pas envie de les connaître, je n'ai pas envie de découvrir que je me suis peut-être trompé. Laissez-moi avec mes illusions. Laissez-moi croire qu'ils sont tous pareils ici. " Arthur O'Neill, enchanté. " Bah quoi ? Elle m'a bien demandé pour qui je me prenais, non ? Certes, je sais que ce n'est pas du tout mon nom qu'elle attendait comme réponse, je ne suis pas idiot, je vous l'ai déjà dit. Mais ça rajoute un point d'honneur à mon côté connard arrogant, j'aime bien.

Et puis, je ne peux retenir un rire nerveux quand elle prononce sa seconde intervention. Nerveux, vraiment nerveux. Si elle savait... Mais elle ne saura pas. Parce que je ne veux pas qu'elle sache. Elle n'a pas à savoir. Mais si, je sais ce que ça fait de perdre quelqu'un. On perd quelqu'un tous les deux mois dans le Southside. Sauf que dans le Southside, ça ne fait pas autant de bruit qu'une gosse de riche. Et puis... Entre nous, un père qui s'fait buter d'une balle entre les deux yeux, ça marque. " Hé, mais tu serais pas flic toi ? Parce que t'es vachement perspicace je trouve ! " Naïve va. Mais après tout elle n'y peut rien si elle est née dans un monde pailleté. " Ca t'apporte quoi de t'planter là ? " Alors là je m'apprête à prendre le plus beau vent des dix dernières années, je le sais, mais je suis curieux de voir ce qu'elle a dans le bide. Je vais peut-être être surpris, qui sait.

De la tranquillité, c'est tout ce que tu demandes, toi. Creek Deep River n'est pas assez grande ? Non, il faut que ce mec avec ses airs de bad boy vienne se poster près de toi. Ce n'est vraiment pas le moment pour que quelqu'un vienne te prendre la tête, en faites. Ton cœur pleure la perte de ton amie et lui joue au plus malin avec toi. Mauvaise idée, O'Neill. "Crétin..." Tu lâches çà en marmonnant et tu tournes les talons pour de nouveau te planter dans le décor.

T'espères qu'il va te lâcher la grappe mais, visiblement ce n'est pas dans ses projets. Tu soupires, tu ne veux pas entrer dans son jeu mais, tu ne peux t'y empêcher. Alors tu te plantes face à lui. "Et moi, je trouve que tu devrais aller voir ailleurs si j'y suis !" Dis-tu en battant de l'air sous son nez avec ta main pour lui faire signe de s'en aller. C'est évident qu'il n'acceptera pas de bouger d'ici, tu connais ce genre d'individu. Qui s'amuse d'une situation, telle que celle-ci mais, toi, tu n'as pas ta langue dans ta poche et non, tu ne te laisses pas faire. Hors de question. Tu es bien trop têtue pour ça. Il continue à te provoquer, sérieusement, il a oublié son intelligence au vestiaire ce matin ? À l’intérieur de toi tu bouillonnes, une vraie cocotte-minute prête à exploser. "Et toi, ça t'apportes quoi de jouer au crétin arrogant, pour te donner un genre avec ta veste en cuir ? Ou peut-être bien pour cacher un mal être ?" Le pire dans tout ça, c'est que c'est bien le genre de garçon pour lequel tu pourrais craquer. Toutes les filles aime le côté mauvais garçon, tu chasses ces pensées de ta tête aussi vite qu'elles sont venues. Ton regard reste scotché au sien, tu ne t'écraseras pas face à lui.

Crétin ? Sérieusement ? Non mais c'est presque mignon et affectueux crétin pour parler de moi... J'ai entendu tellement de mots durs et crus sur mon compte que je prendrais presque ce mot pour un compliment. Elle est mignonne, incapable d'être dure dans ses mots même avec un mec odieux qui vient lui pourrir son moment de recueillement. Et après on s'étonne qu'elles se font martyriser ces p'tites princesses... Et puis elle continue. Avec une attaque qu'elle doit assimiler à quelque chose de violent. Elle doit espérer toutes les réactions de ma part mais ne doit pourtant pas s'attendre à un petit sourire en coin qui étire mes lèvres. Elle me fait sourire, j'y peux rien. C'est ridicule et attendrissant cette façon de répondre. Attendrissant comme on serait attendri devant une gamine. Une gamine sexy quand même... " C'est qu'elle a du répondant la meuf du Northside en plus ! T'as fait fuir beaucoup d'mecs de chez toi comme ça ? " Parce que si c'est réellement comme ça qu'elles se défendent, ça va être un jeu d'enfants pour moi de les faire pleurer... Un vrai plaisir.

Ah. Voilà qu'elle lève un peu le ton et qu'elle tente réellement de me déstabiliser. De piquer où ça fait mal. Sauf qu'elle n'est pas au courant de la profondeur qu'il faut atteindre en moi pour arriver à un point qui fait mal. Mais l'idée y est. Et ça me plait. Je fais alors un pas vers elle, sans lâcher son regard du mien. Elle pense me faire peur en me fixant avec ses yeux de biche ? Perdu ma jolie. Tu m'excites, à la limite, c'est tout ce que tu fais. " Oh oui... J'ai un p'tit cœur tout brisé et mal aimé en moi... Tu veux pas m'aider à le soigner ? " Tu t'attendais à ce que je crie ? Que je réplique ? Que je t'attaque encore une fois ? Et non. Je préfère te surprendre, te déstabiliser, tester une nouvelle fois tes réactions. Tu ne m'atteindras pas jolie bourge. Mais tu m'amuses, ça oui.

Agaçant. Il t'agace ce type là, devant devant toi. Tu te persuades que tu gardes le contrôle, que tu peux avoir le dessus mais, au fond de toi tu le sais. Tu sais qu'à ce jeu là, tu es sure d'y perdre, tu ne sais pas du tout y faire. La tête de mule que tu es, ne veut pas se laisser écraser. Non, il n'en ai pas question. Pourtant, tu as juste envie de partir mais, tu étais là avant et tu ne lui feras pas ce plaisir. C'est digne d'un enfant de six ans, tu le sais. Tant pis. De plus, il se moque carrément de toi, son sourire qu'il affiche sur son visage en dit long. Et ça t'agace de plus belle. Là, tu te souviens de son arrivé au lycée, du Southside il arrivait. Le "faux riche" qu'ils disaient tous. Toi, tu ne fais partie de ces gens qui jugent parce que telle personne vient de tel endroit. La meuf du Norhside, qu'il te dit. "C'est donc pour ça cet élan d'arrogance. C'est parce que je suis du Northside. C'est tellement ridicule..." Cette guerre entre le Nord et le Sud, tu as toujours trouvé ça ridicule. A quoi ça sert d'entretenir une telle haine ?

Alors qu'il avance d'un pas vers toi, instinctivement tu en fais deux... même trois en arrière. Ton regard reste néanmoins toujours accroché au sien. Du haut de ton mètre soixante, tu ne fais pas le poids, c'est une évidence. Tu sens le rouge te monter aux joues à sa dernière intervention, tu ne peux rien faire contre ça. Tu oses quand même lui répondre, histoire de ne pas perdre toute crédibilité. Et ce n'est pas vraiment gagné. "Je suis certaine qu'une meuf du Southside s'en fera un plaisir." Dis-tu en accentuant bien sur Southside.

Cet élan d'arrogance... C'est comme ça qu'elle appelle le fait que je lui rentre dedans avec des réflexions dignes d'un connard sans cœur ? Admettons. Encore une fois, je me sens presque flatté de cette comparaison. Néanmoins, je sens qu'elle commence à sortir les crocs, elle commence à se rebeller. Certes, ce n'est pas très efficace mais elle essaie. C'est l'intention qui compte comme on dit. Ca me conforte dans l'idée qu'il faut creuser un peu pour voir à quel moment je vais atteindre les limites. Je pourrais peut-être être surpris. " Tout à fait. Mais je t'en prie, prouve moi que j'ai tort si ça te dérange tant que ça. Certaines ont essayé, aucune n'a réussi... " Et si le fait de se sentir unique, de s'imaginer supérieure aux autres, ça la stimulait ? Ca montrerait un vice dans cette chère demoiselle que je pourrais exploiter.

Et puis je m'approche, je provoque physiquement après avoir provoqué par les mots. Elle recule, instinctivement. Elle rougit, sans pouvoir le contrôler. C'est bon, tu te rends compte que t'as pas du tout le dessus ? Je ne perds pas de temps pour réduire de nouveau l'espace entre nous quand elle lance sa petite phrase, presque digne d'une jalouse selon moi. Je me retrouve à quelques dizaines de centimètres d'elle seulement quand je rétorque : " Même une meuf du Southside ne peut rien faire sur un cas comme le mien. " C'est froid, c'est sec, c'est puissant. Le genre de réflexion dite droit dans les yeux qui fait réfléchir. Je provoque, certes, mais pour le coup, c'est vrai. Personne ne peut rien faire pour moi à ce niveau là. Va-t-elle me croire ? J'espère pas. Continue à croire que je provoque, jolie princesse. " Recule pas, tu vas t'casser la gueule et c'pas mon genre de rattraper au vol. " Lançais-je en baissant le volume de ma voix, et en lançant un petit regard derrière elle. Je déconne pas. Elle a fait la maline à reculer mais du coup, elle s'est dangereusement rapproché de la rive. C'est moi, ou la flotte. Faut choisir.

Encore et toujours, une histoire de Northside et Southside, cela ne s'arrêtera donc jamais. Lorsque ton frère est partie vivre du côté Sud, tes parents lui ont carrément claqué la porte au nez. Il passait du côté obscur, vous comprenez. Tu as toujours reproché à tes parents de lui avoir tourné le dos, de faire perdurer cette guerre qui n'a pas lieu d'être. Les familles fondatrices se doivent de protéger leur territoire, sois disant. "Je n'ai rien à prouver à personne et encore moins à toi !" Tu sais qui tu es et personne ne pourra te faire douter de ça, même pas ce misérable insecte que tu écraserais... si seulement tu le pouvais.

Tu ne sais pas vraiment quoi penser de cette phrase, une simple provocation ? Ou une triste réalité ? "C'est tellement plus facile pas vrai ? De se dire qu'il n'y a rien à faire... D'être une cause perdue." Il y a toujours le moyen de s'en sortir, il suffit juste de s'en donner les moyens. D'y croire, non ? Complètement déstabilisée, tu as fait quelques pas en arrière. Tu jettes un œil au dessus de ton épaule, en effet, tu es à la limite de te retrouver les fesses dans la rivière, en cette période hivernal, il vaut mieux éviter. Tu aurais sans doute continuer ton moonwalk si l'eau n'avait pas été aussi glacée. Tu n'as pas d'autre choix que de rester où tu es, tandis que l'autre continue son avancée vers toi. Tu te retrouves dans une position de vulnérabilité sans faille, à laquelle tu ne t'attendais pas il y a quelques minutes. Totalement nerveuse. Tes bras viennent se croiser sur ta poitrine, tu adoptes ce geste comme un signe de défense. Tu te surprends quand même à ne pas détourner ton regard du sien, autant garder un minimum de dignité. "Tu es content de toi ? Tu t'es bien amusé ? Tu veux une médaille du parfait connard, quoi que... tu n'en as pas besoin, tu dois surement déjà le savoir, pas vrai ? Oh... et je suis peut-être que cette meuf du Northside mais, moi je n'ai pas besoin de jouer à la brute pour exister. Je n'ai pas besoin de m’acharner sur les autres pour me sentir bien dans ma vie. Ce qui n'est pas ton cas visiblement. Alors continues si cela te chantes, cette satisfaction ne sera que passagère." Rien ne peut t'arrêter, les phrases sortent de ta bouche sans même prendre le temps de respirer. Ton index vient même se poser sur son torse. Non, ce n'est pas de la provocation, tu dis simplement ce que tu as sur le cœur. Tu es quelqu'un de vrai, toi. "Alors oui ma meilleure amie ne reviendra pas et ce, même en restant planter devant cette putain de rivière. Et rien, ni personne ne m'empêchera de venir ici encore et encore, pour me sentir proche d'elle même pas tes réflexions." Tu sens les larmes te monter, non pas à cause de lui. Jamais. Parler d'elle ça te touches et ça te fais mal. Tu retiens malgré tout ces larmes et tu continues dans ta lancée. "Elle au moins, même après sa mort, elle a des personnes qui pensent encore à elle. Ce qui ne sera surement pas ton cas, avec ton comportement mais, je sais tu en as rien à faire. J'ai bien compris ! Alors bravo, si tu arrives à te sentir heureux comme ça. Je doute fort que se soit le cas et je m'en moque, après tout ce n'est pas mon problème." Il ne représente strictement rien pour toi, simplement un gars qui fréquente le même lycée que toi. Alors ses états d'âme, tu n'en as rien à faire. Pourtant tu es quelqu'un qui a de la compassion pour les autres mais, là cela en ai trop pour toi !

A-t-elle raison ? Suis-je une cause perdue parce que je me complais dans ce rôle ? Parce que c'est plus facile à vivre que d'essayer d'en sortir ? Je n'en sais rien. Ca fait tellement d'années que je suis dans ce cercle vicieux. Cinq ans. Cinq ans depuis le meurtre de mon père, cinq ans que j'ai pris les rennes, cinq ans que je joue les gros durs pour protéger ceux qui me sont chers. Elle ne me croirait surement pas si je le lui disais mais c'est bel et bien pour protéger ma famille que j'agis comme ça. Au fond, ça me protège aussi, ça me rend intouchable et ça m'évite de connaître les peines que le commun des mortels connaît. La déception, l'amour, l'abandon. Si tu ne te livres jamais aux gens, tu ne ressens jamais tout ça. Et je m'en porte bien. Ce qu'on ne connaît pas, ne nous manque pas, c'est pourtant simple. Je ne préfère rien répondre à cette première attaque, mais je vois très vite que ce n'est pas ça qui l'empêche de surenchérir après. Et quel enrichissement... Je ne m'attendais vraiment pas à un débit de paroles tel que le sien à ce moment précis. Elle enchaine les mots, les phrases, sur un ton pourtant assez monotone mais avec une puissance folle. J'ai toujours où ça fait mal. Enfin. J'ai piqué où il fallait. La voilà, la vraie fille. La vraie personne que j'ai face à moi. Objectif atteint. Il ne reste plus qu'à répondre en digérant tout ce qu'elle vient de sortir. Et elle en a sorti des choses... " Premièrement, on a chacun un moyen bien particulier de se sentir bien dans nos vies et de cacher qui on est vraiment. Moi je joue au connard, toi tu joues à la p'tite fille parfaite, venant d'une famille parfaite, qui fait la rebelle de temps en temps pour se faire une place dans la société en dehors du nom de Papa. " D'un revers de la main, je lui retire son index de mon torse et reprends mon discours. " Mais au fond, t'es torturée, t'es brisée, tu gardes le smile pour te donner un genre et faire rêver le reste de la population mais personne n'a absolument rien à t'envier. C'est pas plus honnête de sourire pour rien que d'être un connard. Ca t'aidera pas non plus à être heureuse, princesse. " Oui princesse, parce qu'elle joue la princesse, parce qu'elle se donne un rôle de princesse. Parce que je ne la connais pas mais je connais son nom. Parce que tout le monde connaît son nom à Maplewood. Parce qu'elle a une réputation à tenir. Une réputation de fille bien, là où moi j'ai une réputation de connard. On n'est pas si différent.. On gère juste les choses différemment. " Et deuxièmement... " Qu'a-t-il encore à dire ce débile ? Voilà ce qu'elle doit penser... Voilà pourquoi je laisse une seconde de battement avant de finir ma phrase. Pour la faire réfléchir. Mon regard reste fixé dans le sien, un regard intéressé, un regard captivé. J'ai plus vraiment mon petit sourire en coin. Je tente de garder un faciès sérieux, c'est d'autant plus perturbant pour la personne en face. " T'es carrément sexy quand tu t'énerves. "

Ta remarque, il l'ignore complètement, aurais-tu touché quelques chose dans sa petite personne. Peut-être ou peut-être finalement, tu ne le sauras sans doute jamais. Tu pourrais peut-être le provoquer en t'en servant mais, tu ne relève pas. Tu n'en as pas envie. D'une part cela ne te regarde pas et d'autre part, tu ne fais pas partie de ces personnes mesquines qui cherchent la faille pour faire mal. Et puis pour être honnête, tu n'es pas vraiment douée pour jouer dans la cours des méchants. C'est quand même triste, de croire que lorsque tu arrives au plus bas, il n'y a vraiment plus rien à faire pour s'en sortir. L'espoir. Il y a toujours de l'espoir dans la vie. A l’intérieur de toi, tu pestes contre toi-même, tu arrives encore avoir de la compassion pour lui, après son comportement odieux. Ta bonté de perdra un jour au l'autre...

"Une fille parfaite, sérieusement ? Je n'ai pas la prétention de me dire parfaite, loin de là. Il faut arrêter un peu les stéréotypes et de juger parce qu'on vient de tel ou tel endroit ! Ou parce qu'on est le fils ou la fille de. Et je n'ai pas besoin du nom de mon père pour faire quoi que se soit !" Bon, c'est vrai que cela aide beaucoup d'être la fille Hawkins mais, ça tu ne l'avoueras pas. Pas à lui, même s'il n'est pas dupe. Torturée ? Brisée ? Bien sur que tu l'es, tu viens de perdre une personne avec qui tu as grandi, avec qui tu as beaucoup partagé. Elle était comme ta sœur, Sara. Sara est morte, ici dans cette rivière. En ajoutant à ça, le fait que ton frère t'ait laissé tomber. Bref... Oui tout n'est pas pas rose dans ta vie mais, cela ne t'empêches pas d'aller de l'avant. "Au final, tu prétends que je me prends pour la fille parfaite. Pour une princesse, alors que tu ne sais absolument rien de moi. Tu me juges parce tu es simplement aveuglé par cette haine entre deux quartiers. Une haine qui ne cessera jamais, à cause à des personnes comme toi qui font que cette guerre à la con perdure ! Et je te l'accorde, personne à rien à m'envier, et tant mieux, je n'ai jamais voulu que se soit le cas, en faites." C'est vrai que tu n'as jamais rien manqué dans ton enfance et ce, encore aujourd'hui. On peut croire que tu fait partie de ces filles à l'allure parfaite, la preuve aujourd'hui et pourtant non, en aucun cas, tu ne veux qu'on envie. Chacun est comme il est. Tu croises tes bras de nouveau, il n'a pas encore terminer. Que va-t-il encore te balancer à la figure. Une ultime provocation qui va une fois de plus t'agacer. T'énerver. Tu t'attends à tout maintenant avec lui. Une réflexion pour faire mal, peut-être. Tu t'impatientes alors que lui joue avec tes nerfs... Et tu te prends ça en pleine tête. Cette dernière remarque, tu aurais préféré qui la garde pour lui. Une fois de plus, tu t'en pourpre en quelques secondes, c'est très gênant et ça t'énerves parce qu'il le sait. Il le sait que ça te met mal à l'aise. "Non, je ne suis pas sexy !" Alors que cela fait quelques minutes que tu es planté à la même place, tu le pousses de ton petit corps frêle. "Tu es un grand malade !"

Ah, tu n'es pas une fille parfaite et tu n'as pas besoin de papa pour avancer dans la vie ? On dirait presque que tu le dis pour essayer de te convaincre que c'est vrai. Tu ne te considères surement pas parfaite cependant, je veux bien le croire, c'est de la fausse modestie involontaire. Ce besoin qu'ont les gens qui n'ont pas de problèmes de se rabaisser pour rendre leur vie un peu moins monotone. Je juge peut-être trop vite, je ne sais pas ce que cette fille a vécu mais honnêtement, je m'en fous. Je ne suis pas quelqu'un qui part sans avis sur quelqu'un et qui se le forge avec le temps. Je pars avec un avis négatif sur tout le monde, et si tu veux que cet avis se transforme en positif, c'est à toi de changer ça. Ce qui explique peut-être le nombre très faible d'amis que j'ai... " Typiquement la réflexion de la gosse de riche qui n'sait pas ce que c'est de naitre avec un nom qui n'apparait pas sur les affiches de toute la ville... Tu le veux peut-être pas mais l'nom de ton père il est imprimé sur ta gueule et t'es constamment jugée en tant que tel. " Et en fait c'est le cas de tout le monde. Dans une petite ville comme Maplewood, tout le monde est jugé par sa famille. On n'a juste pas tous le privilège de naitre avec une cuillère en argent dans la bouche.

" Pardon ?! C'est à cause de gens comme moi que la guerre perdure ? Encore une réflexion à la con d'gosse de riche ça. Tu sais pas c'que c'est de se faire juger comme coupable constamment, d'être forcément dans l'rang qui a fait une connerie, même quand on a rien fait. T'es plutôt du genre qui est jugé comme victime, même si t'avais fait la connerie... J'fais pas d'efforts pour m'intégrer à votre mentalité de merde de Northsiders, parce que dans tous les cas, j'serai jamais intégré et si tu t'concentres deux secondes sur autre chose que tes p'tits problèmes tu l'verras. " Ok, là j'perds les pédales. Là je m'emporte. Pas en levant la voix, pas en sortant les poings, mais en disant ce que je pense et ressens sincèrement. Concrètement, pour moi, c'est bien pire. J'ai pas à être honnête avec cette meuf, elle ne le mérite pas. Je me suis emporté parce qu'elle nous a accusé encore une fois d'être les fautifs. Comme toujours ici. Et j'avais besoin de l'exprimer. Sauf que j'ai été sincère, je lui ai donné les cartes pour piquer où ça pourrait faire mal. T'es con O'Neill, vraiment con. Je ne résiste pas quand elle me "pousse" de son bras de crevette mais ne lâche pas pour autant son visage des yeux. Putain, que j'ai été con. " Ouais, t'as raison, t'es vraiment dégueulasse. J'sais même pas pourquoi j'te parle encore vu que j'parle qu'aux meufs que j'veux m'faire. " C'est froid, c'est sec, c'est à l'opposé total de ce que je lui ai juste avant. J'suis lunatique et imprévisible. Bienvenue dans mon monde Hawkins. Oui, je suis un grand malade.

Le devoir d'être irréprochable et ce, dans tous les domaines. Faire constamment attention à tes moindre faits et gestes, pas de droit à l'erreur. Être une fille exemplaire, qui se doit de rendre fier ses parents. Renoncer à tous tes rêves, quitte à mener un vie future que tu n'as jamais voulu. Voilà ce que c'est de porter le nom ton père. Renoncer à la liberté de faire ce dont tu as envie. Devoir mentir, pour simplement venir te recueillir là où ta meilleure amie est morte. C'est là que tu aimerai avoir l'audace de ton frère, partir et tout claquer. Tu n'aura jamais ce courage là, pourtant ton frère, c'est sans doute ce qu'il a fait de mieux dans sa vie. Dire stop à ce contrôle que ton père a eu sur lui, cette influence qu'il a désormais posé sur toi. Il a raison, cette étiquette tu l'auras toujours et tu ne peux rien y faire. Tu auras beau être différente, comme il le dit si bien, tu seras toujours jugé comme la fille Hawkins. Tu ne dis rien, parce que tu sais pertinemment qu'il a raison.

Ses paroles. Ses mots. Le jeune homme face à toi, se laisse aller dans ce discours vrai. Sincère. Jusqu'à maintenant ces paroles étaient faites de provocation, de jugement sur ta petite personne. Là c'est différent. Et cela ne te laisses pas de marbre, ce n'est pas de la pitié. Non. C'est de l'injustice pure et dure. Oui, tu trouves ça très injuste. "C'est vrai, tu as raison. Je ne sais pas ce que c'est de devoir subir tout ça tous les jours. Et visiblement, cela te touche bien plus que tu ne pourrais le dire. Et y a rien de mal ça. Je n'ai jamais fermé la porte à personne. Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac." Le temps d'un instant une douceur s'installe dans ton regard et se fait compatissant.

Sexy, il t'a dit que tu est sexy. Avoues-le, cela te fait quand même un petit quelque chose. En même temps, ça te met dans un position très gênante. Puis il revient rapidement sur ces mots. Dégueulasse, carrément. "Adorable..." Lances-tu sur le ton de l’ironie. Alors que tu récupères tes affaires posées précédemment par terre, c'est à ton tour d'avoir ce petit sourire en coin. Tu retournes alors vers lui. "T'inquiètes pas, je garderai pour moi tes petites confidence sur tes états d'âme." Trop tentant.

Elle a compris. Elle l'a senti. Elle m'a vu. Vraiment vu. Enfin, elle a percé la première carapace. Je lui ai offert la première carapace. Il y en a encore plusieurs à faire péter avant de comprendre réellement qui je suis et pourquoi je suis ainsi, mais le premier pas est fait. Et ça m'fait chier. Parce qu'elle vaut rien cette meuf, elle vaut pas mieux que toutes les autres en tout cas. Au fond, elle n'a rien appris de fou sur moi, si ce n'est la haine que j'ai envers le Northside de nous considérer constamment comme des criminels. Mais ça me fait déjà chier... Imaginez le chemin qu'il faut faire pour arriver à me comprendre vraiment... Pas étonnant que personne n'y arrive. D'autant plus que je ne compte pas continuer à me livrer maintenant que je me suis rendu compte que je le faisais. Je reprends très vite mon rôle de connard en répondant à la jeune fille. " A part si tu parles de celle de ta chambre, ça m'intéresse pas que tu laisses une porte ouverte pour moi. J'en ai pas besoin. " Alors que clairement, soyons honnête, la porte de sa chambre pourrait m'intéresser... Bah quoi ? Elle est pas moche la demoiselle. Elle a du répondant - du moins elle essaye -. Elle est surement sauvage au lit... Trêve de rêverie O'Neill, c'est une meuf du Northside.

Je ne peux m'empêcher de rire à sa dernière réflexion. Elle croit vraiment avoir un moyen de pression sur moi parce que j'ai lâché quelques mots ? Elle croit vraiment m'atteindre et me faire perdre pied avec sa provocation de collégienne ? Elle ne m'a pas si bien cerné finalement. " Mais j't'en prie, raconte tout ce que tu veux ! Je suis per-su-a-dé que ça intéressera vachement tes potes fils à papa de savoir ce qu'un gars comme moi t'a raconté alors qu'tu pleurais ta copine à la rivière. Fais toi plaisir. " Mais quel connard... " Et t'as raison en fait... T'es plus sexy quand t'as le sourire en coin de la meuf qui pense avoir le dessus." Elle a récupéré ses affaires, certes, mais je suis plus large qu'elle, et tant que je ne me pousserai pas de son chemin, elle n'ira pas bien loin. Et à ce moment précis, j'ai aucune envie de me pousser...

Pourquoi est-ce tu t’obstines à vouloir que cette haine que se porte le Northside et le Southside, disparaisse ? Si personne n'y met du sien, finalement à quoi bon vouloir rétablir un lien. La vérité, c'est que tout ça est une simple cause perdue.

Imprévisible. Pourquoi cela ne t'étonne même pas ? Même pas en rêve, il passerait le pas de la porte ta chambre. A dire vrai, aucun garçon n'a eu cette chance là, tu es cette fille inacessible que personne n'ose inviter, ne serait-ce pour boire un verre. Parce qu'ils le savent. Ils savent que tu ne te laisses pas facilement séduire, tu restes un simple fantasme pour eux. Et cela te convient comme ça, du moins pour le moment. Tes yeux se lèvent instentanément vers le ciel, il se contentera de ça, tu préfères ne rien répondre à sa remarque.

Tes affaires en main, tu n'as plus vraiment envie de t'éterniser à cette endroit. Tu auras essayer une dernière petite provocation, qui s'avère être un échec total. Il est d'une indifférence... A quoi t'attendais-tu au juste ? A l'atteindre, peut-être ? Tu l'aurais voulu. Vraiment. Mais là, tu es entrain de te ridiculiser et tu ne fais pas vraiment le poids face à cette personne, qui a un cœur aussi dur que la pierre. Le voilà reparti à parler de ta meilleure amie perdue, il a brisé ce moment de recueillement. Ce moment qui ne devait être qu'à toi. Ce moment où tu avais envie d'être seule. Il l'a gâché. "Avant qu'un connard sans aucun respect ne viennent me déranger !" Y en a assez, tu n'as plus envie de l'entendre. Tu ne veux plus supporter son comportement. "J'ai autre chose à faire que perdre mon temps avec toi, j'aurai du me barrer dès que tu as mis tes pieds ici, bouges de là."

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