- sad thoughts / ARTHUR

Pourquoi est-ce que je prends autant de plaisir à malmener le monde qui m'entoure ? Pourquoi ça m'amuse, voir me flatte, autant de me faire traiter de connard ? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Je suis tordu quand même, faut le reconnaître... Je le reconnais. J'en suis conscient. Mais je suis tout bonnement incapable de changer. J'ai pas envie de changer en fait. Je me complais à un tel point dans cette situation que ça en devient inquiétant. Et pourtant, je continue. L'intervention de la fille Hawkins aujourd'hui ne fait que renforcer cette idée que ça me plait. J'adore ça. J'adore sentir la haine dans sa voix, voir la haine dans ses yeux, imaginer la haine qu'elle a dans ses poings. En fait, je crois que pousser les gens à bout, ça me permet de voir que je ne suis pas le seul être à ressentir une haine folle au fond de lui. Ca me rassure, peut-être. Bordel, t'es sacrément tordu O'Neill...

Sauf que là, à ce moment précis, je vois mon jeu du jour qui veut se faire la malle. Elle veut partir. Ou plutôt elle aimerait que je me casse. Sauf que je ne partirai pas. Sauf que je ne veux pas qu'elle parte. Mais que faire et que dire pour la forcer à rester de son plein gré ? Ouais, je suis un violent du Southside mais quand même, j'compte pas la séquestrer, par les temps qui courent j'me ferai arrêter pour le meurtre de Baker. Alors j'esquisse un sourire en coin, le même genre de sourire qu'elle avait il y a quelques minutes quand elle pensait avoir gagné face à moi. " Et si j'ai pas envie, qu'est-ce tu vas faire ? Papa est un peu loin pour être appelé à la rescousse je crois... Tu vas réussir à te défendre toute seule ou pas ? Aller, montre moi, j'suis curieux. " Oui, je m'expose à la claque dans la gueule ou le coup d'pied dans l'entrejambe, je sais. Je vis dangereusement, vous savez. Je croise alors les bras sur mon torse, la défiant du regard et faisant même un pas vers elle, pas pour lequel il n'y avait pas la place vu le peu d'espace entre elle et la rivière. Faudrait pas qu'on finisse à l'eau avec mes conneries... Quoi que... Le concours de tee-shirts mouillés ne me dérangerait pas avec elle.

Lui. Toi. Et personne d'autre dans cette vaste forêt de Deep Creek River, tu aurais beau hurler à te briser les cordes vocales que personne ne pourrait t'entendre. Pourquoi s’acharne t-il de cette façon sur toi ? Toi qui n'as rien demandé de tout ça. Tu as envie de partir loin de cet endroit, rentrer simplement chez toi et ne plus avoir à faire lui. Oublier ce moment. Que lui t'oublie également. Que chacun de vous reprenne son quotidien chacun de son côté. Tu te mets à regretter d'être venue près de la rivière, tu aurais mieux fait de rentrer directement chez après le lycée, d'écouter les recommandations de tes parents. Tu es là face à lui, impuissante et sans défense. "Laisses moi passer, çà n'a rien de drôle..." Un sentiment d’inquiétude t'envahit toute entière, il doit jubiler de voir ton regard de petit fille fragile, totalement vulnérable. Tu le sais, ça doit le faire vibrer de voir cette crainte au fond de tes pupilles. Tu vogues à droite. Puis à gauche, il en fait de même. Il refuse de te laisser passer. Ce petit jeu, ne t'amuses plus du tout, il ne t'a jamais vraiment amusé de toute façon. A ce moment-là, il mérite juste une bonne claque dans la figure. Tu ne lui fera ce plaisir et puis, tu n'as pas très envie de te retrouver noyer dans la rivière après tout tu ne connais rien de ce type. Nouvelle tentative de forcing mais, rien n'y fait, il reste immobile sans bouger d'un cil. La patience, tu en as mais, vraiment à petite dose. Et là, tu t'impatientes, ça t’énerves et en même temps tu n'es pas rassuré. Tu es au bout, au bout de ce que tu peux supporter. La fille que tu es ne peut se défendre face lui, soit. Tu ne pensais pas devoir t'en servir un jour mais, une petite t'aide n'est pas de refus pour toi. Tu l'as sort de ton sac, c'est ton père qui te l'a donné après la mort de Sara. Tu trouvais ça ridicule mais, finalement. "Je ne le dirais pas deux fois, laisses moi passer." Tu tiens ton petit aérosol de défense contre toi, un doigt posé sur le bouton, prêt à le presser à tout moment.

Ca n'a rien de drôle. Elle ne rit pas. Elle ne s'amuse pas. Elle ne jubile pas de la situation comme je suis en train de le faire. Vous me direz, c'est normal, ce n'est pas elle qui est en position de force à ce moment-là. Elle ne me connaît pas, elle ne sait pas de quoi je suis capable. Moi, l'gars un peu tordu qui la menace et la provoque à l'endroit même où sa meilleure amie a été retrouvé morte y'a pas si longtemps. Allez savoir ce qui se passe dans sa tête à ce moment précis. Ne prenant d'abord pas conscience de l'ampleur de sa peur, je ne réponds pas, garde mon sourire de con sur le visage et oscille au même rythme que le sien pour l'empêcher de sortir. Et là, elle me sort un aérosol au poivre. Merde. Elle flippe vraiment la petite. Moi je jouais. Elle m'a servi de passe temps pour le dernier quart d'heure, j'avais en aucun cas l'idée concrète de lui faire du mal. C'est pas un mec du Northside qui m'a provoqué, c'est juste une meuf un peu perdue sur le bord d'une rivière.

Malgré tout, malgré le fait que je réalise que j'ai trop joué avec elle, je ne peux m'empêcher de mettre un dernier point d'honneur à lui montrer que j'ai le dessus. Tu vas partir, mais t'as pas gagné. Tout en douceur, histoire d'éviter de prendre un coup de gaz dans les yeux, je glisse ma main dans la poche interne de ma veste en jean et en sors un couteau, que je laisse fermé dans la paume de ma main. Fermé, certes, mais on voit quand même bien que c'est un couteau. Elle le voit quand même bien. " Avec ce qu'il se passe dans le coin, tu devrais t'armer d'autre chose que d'un aérosol. " Et je le range. Parce que le but n'est pas de rajouter de la peur. Juste de lui montrer que si vraiment je lui voulais du mal, elle s'en serait bien vite rendue compte. Et je me décale. Je range mes mains dans mes poches et lui laisse le champ libre. " Je t'en prie, vas-y, Hawkins. " Hawkins. Oui, je connais ton nom. On parle depuis un quart d'heure sans que je ne l'ai prononcé une seule fois et pourtant je le connais. Je sais qui tu es jolie demoiselle. Mais sais-tu qui je suis ? Mis à part un connard du Southside. J'en doute.

L'aérosol contre ta poitrine, prête à dégainer s'il le faut. Tes yeux suivent doucement son geste, qu'est-ce qu'il compte faire ? Il extirpe un objet de sa poche, tu déglutis difficilement lorsque tu remarque ce qu'est l'objet en question. Ok. Encore une fois, il te montre que tu n'es qu'une petite chose fragile. Ton cœur tambourine si fort dans ta poitrine, qu'on pourrait peut-être l'entendre de l'autre bout de la ville. En ce moment-même, tu a juste envie de laisser couler des larmes mais, tu ne peux pas craquer devant lui. Ce serait lui donner une plus grand satisfaction. Alors tu luttes de toutes tes forces pour ne pas laisser couler ses larmes. Tes yeux ne se décollent pas du couteaux jusqu'à ce qu'il le remettre où il était quelques secondes plutôt. Tu es soulagée et puis tu te dis qu'il ne t'aurais probablement rien fait de mal, enfin tu ne sais pas. Tu ne discernes totalement rien chez lui. "T'approches plus de moi !" Dis-tu en t'enfuyant presque lorsque tu peux te permettre de passer. Il est impensable pour toi de te retourner, non. Tu veux fuir cet endroit. Ce garçon. Pourtant tu ne peux t'empêcher de te demander, pourquoi ? Pourquoi as-t-il ce comportement ? Tu te demandes, qu'est-ce qu'il a bien pu arriver dans sa vie pour être aussi vicieux. Méprisant avec le monde qui l'entoure. Qu'est-ce qu'il cache ? Et là sans savoir pourquoi tu jettes un œil en sa direction avant de quitter une bonne fois pour toute de cet endroit.

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