obsolète

Une - une passion dévorante pour le cirque, mais une obsession des nez rouges. une histoire née d'une aventure ancienne, celle d'un père emmenant son garçon dans un cirque itinérant. une rareté à cette époque, car qui prendrait le temps de s'arrêter dans un si petit amas de bâtiments écrasés. que de merveilles pour un petit garçon aux yeux noirs et brillants. petit garçon qui échappe à la vigilance de son père et que l'on retrouvera au petit matin, dissimulé derrière les cages aux fauves, enfermé dans un mutisme douloureux. le clown pédophile du cirque des rêves sera arrêté quelques jours plus tard, lorsque ses victimes ne pourront plus se compter uniquement sur les doigts d'une main. Deux - la poussière semble s'être déposée sur la pierre tombale du tombeau familial. sur leurs épaules voûtées également. une famille enracinée dans ce patelin depuis plusieurs génération, immigrée du guatemala pour une sombre affaire politique. les wesson font partie du paysage, du décors. ils sont comme la rivière qui s'écoule dans la veine de la ville. on les connait sans les connaître, visages flous, sans histoire, gravés dans la routine. Trois - les rumeurs vont bon train lorsqu'il s'agit de moses ou de sa famille. qui d'autre que le fossoyeur solitaire pour alimenter les histoires et les contes racontés par les parents pour effrayer les mômes. on dit qu'il s'empare des âmes des enfants désobéissants. les adolescents, quant à eux, sont plus terre à terre. il aurait assassiné sa femme. il aurait assassiné des tas de gens en vérité. et les cadavres pourrissent dans un coin reculé du royaume des morts. Quatre - rares sont les moments où le fossoyeur quitte son domaine, son royaume de caillasse. il n'est pas extraordinaire pourtant de le croiser le soir dans les pubs et les bars de la ville, puisqu'il a de l'alcool dans les veines. tôt le matin, quand la brume ne s'est pas encore tout à fait levée, il erre autour des cafés, la clope au bec, la mort aux trousses. fantôme de maplewood. Cinq - deux molosses enragés veillent sur le cimetière et sur lui, par la même occasion. Animaux quasi-sauvages, sauvés d'un refuge pour le moins incertain, ils ne sont que de vulgaires bâtards. l'un est le croisement étrange d'un rottweiler et d'un boxer, tandis que le dernier tient davantage du pitbull. lâchés entre les tombes dès la fermeture des grilles, on entend parfois leurs hurlements à la mort résonner dans la nuit. rien de très rassurant, lorsqu'on apprend que leur propriétaire les a nommés himmler et goebbels. Six - très proche de sa mère, il a compris très jeune que l'amour n'est pas un obstacle à la mort. il a compris la douleur des familles éplorées, il a compris les larmes salées, il a compris ce sentiment de solitude et d'abandon. il a aussi compris que la mort est parfois enviable, quand on la compare à la souffrance d'une fin de vie cancéreuse. il aurait pu faire des études, partir loin de cette petite ville, mais il n'a pas voulu laisser son père. il est resté avec lui jusqu'à la fin. il a vécu pour les autres, délaissant sa propre vie, aujourd'hui si misérable. Sept - un bonnet passé, des mitaines usées, une vieille parka d'un vert morne, quand ce n'est pas un blouson en cuir plus vieux que le monde. moses n'est pas quelqu'un de très soigné. son apparence négligée en a rebuté plus d'un. une barbe mal taillée, des cheveux dans tous les sens, il n'est pas de ceux qui s'arrêtent à l'apparence. il est de ceux qui vont au-delà, quand bien même son côté misanthrope l'empêche parfois de creuser, non pas les tombes, mais les âmes. Huit - il dessine excessivement bien. si sa mémoire des noms est incertaine, celle des visages est plus que performante. il peut sans difficultés aucune faire le portrait de quelqu'un simplement croisé dans la rue, avec une précision affolante. une pièce de sa maison a d'ailleurs les murs couverts de dessins au crayon de bois. ce qui n'est pas sans renforcer l'image de psychopathe qu'il peut déjà avoir. après tout, il a déjà croqué le visage souriant de la pauvre sara baker. Neuf - fonder une famille, avoir une femme, des enfants. l'idée lui a effleuré l'esprit, il y a de cela quelques années maintenant, lorsqu'une demoiselle, à la fin du lycée, faisait battre son cœur. mais son départ précipité de la ville, le décès de sa mère, la descente aux enfers de son père sont tout autant de facteurs qui lui ont fait renoncer. de toute façon, c'était il y a près de vingt ans, il n'est plus sûr d'être capable d'aimer. Dix - il boit et il fume. l'alcool dans le sang, la clope dans les poumons. ça occupe, de se détruire, ça fait passer le temps. mais ce ne sont pas là ses seules addictions. il aime le craquement du feu dans la cheminée, il aime le bruit de pages tournées, il aime le froid hivernal qui vous arrache des frissons incontrôlés. il savoure certains sons, comme celui des larmes étouffées, qui lui rappellent qu'il appartient encore au monde des vivants, quand bien même il se donne l'illusion d'être charon dans son enfer.